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Notion de la réalité, dérivée de l'information perceptive

Il faut se souvenir que le postulat fondateur de notre approche est l'existence de principe(s) ou de loi(s) permettant d'unifier le processus de catégorisation. Une telle conjecture implique obligatoirement des pré-supposés sur la nature de la "réalité". Il est indispensable de se demander ce que ces pré-supposés disent à propos de celle-ci. En particulier, existe-t-il des liens avec une des nombreuses définitions de la "réalité" ?
Une vision "classique" de la réalité consiste à penser qu'elle est une somme de phénomènes existant indépendamment de l'observateur. Or, notre exposé traduit une toute autre vision qui met en jeu deux réalités et qui est celle qu'expose d'Espagnat, à propos de la réalité quantique: Les deux réalités sont liées par l'application du paradoxe opposant la rareté théorique des observations (informations perceptives) et la fréquence concrète de ces dernières. Dans ce système de pensée, l'observation (ou l'information perceptive) fait partie de la réalité "intentionnelle"; son caractère "restreint" est engendré par les caractéristiques propres de l'observateur (intention, moyens de perception), ainsi que par les contraintes agissant sur le système (contraintes CO et CU) et non pas par la réalité indépendante. Par "restreint", nous entendons que seul un petit nombre d'hypothèses est validé, en rapport à l'infinité des hypothèses d'évolution possibles. Cela signifie simplement qu'on va observer ce qu'on cherche (intentionnalité), si toutefois le moyen d'observation (processus d'anticipation) est adéquat (l'apprentissage perceptif a eu lieu). Cela signifie également que deux entités différentes (par leurs moyens de perception ou par leur expérience) observent nécessairement différemment.
Il est important de comprendre la nature particulière que l'observation prend ici: elle représente la "concrétisation" (par sélection) d'un univers des possibles (c'est à dire de la mémoire du système), qui ne fait pas partie de la réalité intentionnelle (elle est à l'entrée du processus de catégorisation). L'observation possède de facto un caractère de localité (dans l'espace et dans le temps, donné par la variable h). Nous rappelons à ce sujet que le formalisme auquel nous aboutissons interdit qu'il existe une observation infiniment précise, ou une information liée à un instant donné (durée infiniment petite): l'observation est associée à une durée non nulle dépendant de h. De même, nous supposons que la durée associée à une observation possède une borne supérieure (le contraire devrait aboutir à une contradiction, mais nous ne l'avons pas montré). En d'autres termes, le fait même d'obtenir une information perceptive suppose qu'elle s'inscrive dans une période de temps limitée et un morceau de l'espace lui aussi limité: il s'agit de propriétés intrinsèques de l'observation et non de limitations qu'on pourrait dépasser en améliorant la qualité des organes de perception, par exemple. Ainsi, dans notre système, une observation idéale n'a pas de sens: même si on pouvait imaginer un mode de perception infiniment précis, il faudrait pouvoir imaginer également une mémoire comportant un trop grand nombre d'hypothèses, qui contredirait les contraintes CO et CU.
Voici une citation de d'Espagnat, décrivant la méthode des définitions partielles inspirée par Carnap. Il s'agit de montrer la relation qui existe avec notre raisonnement sur la nature du processus de catégorisation. Selon la méthode des définitions partielles, un système quantique S ne peut avoir les propriétés A que lorsque le dispositif expérimental permet une mesure de A. En cas contraire l'assertion "S a la propriété A" est "pire que fausse" car elle est tout simplement dénuée de sens. [...] Dans "l'esprit de Copenhague" les conditions expérimentales définissant les types possibles de prédiction sont essentielles. En d'autres termes la spécification du dispositif expérimental destiné à interagir avec le système étudié doit être considérée avant même que l'on puisse parler des propriétés de ce dernier; et c'est elle seule qui détermine celles de ces propriétés dont il y a sens de parler." Il est également important de souligner que l'information perceptive est associée à un "bout" d'espace et à un "bout" de temps". Dans notre cas, on ne peut pas dire que ces "bouts" d'espace et de temps possèdent une réalité en dehors de la mémoire elle-même. Cela paraît très choquant à première vue, car on imagine habituellement l'espace comme un contenant pouvant recevoir des objets à l'intérieur (à l'image d'un aquarium). De même pour le temps. Ces contenants auraient alors naturellement une existence propre, indépendante de la chose (le contenu). De même, on y associera naturellement une norme. Or, une caractéristique de notre démarche est de refuser d'utiliser une norme quelconque afin de comparer deux informations perceptives. Une autre caractéristique est de supposer que les processus d'anticipation et de sélection ne s'appliquent qu'à des signaux mono-dimensionnels. Il est supposé que ces processus d'appliquent "simultanément" à une collection de signaux, et qu'une "corrélation" entre les évolutions "simultanées" de plusieurs signaux donnent l'illusion d'un espace à deux, trois ... dimensions. Ainsi, la dimensionalité (apparente) de l'espace fait également partie de la réalité intentionnelle. Or, la spécification de cette "corrélation" et de ce terme "simultanée" reste entièrement à faire. Pour rester cohérent, il est indispensable qu'elle réside sur l'utilisation de contraintes, qui est le fil conducteur du travail.
En résumé, la notion de réalité présentée ici est en contradiction avec la vision classique de la réalité sur beaucoup de points, à savoir: Le problème qu'il nous reste à traiter pour achever notre processus de catégorisation est celui de la causalité, c'est-à-dire de l'existence d'une concordance temporelle entre différents signaux (externes ou internes). Nous pensons que la causalité fait partie de la réalité intentionnelle, donc qu'elle est engendrée par le processus de catégorisation, sur une échelle de temps supérieure à la durée de validation d'une hypothèse. Il faut bien comprendre que le délai entre la demande d'information perceptive et la concrétisation de celle-ci correspond à une durée insécable pour le système: aucune information ne peut être disponible au bout d'un temps plus court. Ainsi, le ``bout de temps'' spécifié par la valeur de h correspond à la notion d'instant: des informations perceptives concrétisées sur une durée inférieure à cette durée minimum sont perçues comme étant simultanées. La causalité apparaît pour des durées supérieures: Il faut pouvoir "lier" ces "bouts de temps" et ces "bouts d'espace" entre eux, pour faire naître la notion de continuité perceptive (O'Regan entre autres a bien montré qu'il s'agit d'une illusion) et celle d'une causalité perception/action.
Nous terminerons par une dernière citation de d'Espagnat, qui exprime ce que nous venons de dire bien mieux que nous: [...] je tends à voir dans la causalité (au sens étroit, technique du terme) une structure de l'entendement humain, autrement dit un cadre a priori dans lequel l'esprit se trouve contraint, de par sa nature même, d'insérer toute son expérience, et non pas une structure de la réalité indépendante. En cela, je ne fais au surplus qu'expliciter une attitude qui est commune à la majorité des physiciens théoriciens contemporains et que ceux-ci fondent sur des caractéristiques importantes de leur théorie générale. [...] je trouve plausible l'idée de Kant selon laquelle espace et temps pourraient bien n'être eux aussi que des formes a priori de l'esprit humain, ce qui signifierait que la réalité indépendante n'est ni insérée dans ni composée de l'espace-temps." Éléments relatifs à la partie I, chapitre 1
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2002-03-01