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Nous souhaitons préciser la génèse des contraintes appliquées
au sous-système d'AP. Elles seront détaillées (ainsi que celles
affectant le sous-système d'AO) dans le corps de ce document.
La question qui est posée pour établir ces contraintes est liée avec
l'établissement d'hypothèses restrictives sur le bon déroulement de l'AP:
à partir de quel environnement peut-on apprendre globalement (c'est-à-dire
réussir l'AP puis l'AO) ?
Pour mieux faire comprendre notre démarche intellectuelle, commençons par
décrire un exemple issu du vivant: celui des lymphocytes T. Il a été montré
que leur faculté de discernement n'est pas programmée à l'avance (à l'image
d'un programme d'ordinateur, exploitant tous les cas possibles prévus dès
la conception du programme). En effet, le nombre de gènes activés dans le
processus de discernement (environ une centaine) est trop faible pour faire
face à l'ensemble des cas théoriquement possibles d'entités
``intruses'' (c'est-à-dire à l'ensemble des variétés de microbes, bactéries
ou virus); par contre, ce nombre est tout-à-fait compatible avec les différents
types d'intrus qui se présenteront effectivement pendant la vie de l'individu.
Les ``connaissances'' des lymphocytes vont se former à partir de la vie
intra-utérine, au contact des intrus qui vont se présenter en réalité.
Cela donne lieu à plusieurs remarques:
- les catégories ne sont pas connues à l'avance. Il existe donc une
incertitude potentielle dès le début du développement du foetus: les capacités
immunitaires de l'individu vont-elles fonctionner à terme ?
- en théorie, le système immunitaire n'a pas les moyens de prévoir tous les
cas possibles, car il possède des capacités de catégorisation limitées. Mais, en
réalité, cela suffit.
- le programme génétique amène à un résultat quasi-certain au bout d'un
temps fini: le système immunitaire fonctionne assez correctement à la naissance
pour protéger le nouveau-né.
Donc, il existe un paradoxe apparent: nous sommes en
présence d'un système dont l'évolution est hautement incertaine
en théorie, et dont le résultat est pourtant
quasi-prédictible en réalité. Cependant, la
prédictibilité ne porte pas sur la nature exacte de la
catégorisation après apprentissage (on ne connaît pas a
priori les intrus qui pourront être détectés) mais sur le lien
direct qui existe entre les conditions d'apprentissage (l'ensemble
des intrus qui se sont présentés) et la réussite de
l'apprentissage dans le cadre d'une tâche précise. Une explication
est assez communément admise; elle provient de la théorie
évolutionniste. Ameisen [Ameisen, 1999] explique ce phénomène,
pour les lymphocytes T, de la manière suivante: au stade de
l'embryon, une population de lymphocytes T d'une grande diversité
est créée, mais il existe une régulation permettant d'éliminer
ceux qui s'attaquent aux cellules ``amies''; d'autre part, la
diversité restante suffit, grâce à la loi des grands nombres, à
garantir une probabilité acceptable pour que l'intrus rencontre un
lymphocyte qui le reconnaîtra. Mais, dans l'absolu, cette
explication n'est pas tout à fait satisfaisante, pour au moins
deux raisons:
- la pertinence du système de sélection est dépendante de la qualité
de la règle d'élimination, qui n'est pas connue a priori
- la grosseur de l'ensemble initial de lymphocytes T influe directement
sur la probabilité finale de reconnaissance d'un intrus, donc sur la
survie de l'individu
La théorie évolutionniste suppose qu'il a existé une sélection naturelle
ne laissant survivre que les individus possédant de bonnes solutions à
ces deux problèmes. Mais cela ne supprime pas les deux remarques posées
ci-dessus: celles-ci sont déplacées à un problème possédant une autre
échelle de temps (sélection des individus ``corrects'' au fil des millénaires).
Critiquant ce déplacement de la difficulté, Denton met en lumière
l'équilibre qu'il doit exister entre le ``grand nombre'' et la
probabilité d'atteindre l'objectif assez certainement (voir en particulier
le chapitre ``Hors de portée du hasard'' de [Denton, 1985]). Le mécanisme
de sélection en lui-même n'est pas réfuté: il existe bel et bien (voir le
mécanisme de sélection neuronale proposée par Eldelman [Edelman, 1992]
et sa modélisation informatique appelée ``Darwin'' [Reeke et al., 1990]). Par contre, Denton
prétend que la seule intervention du hasard ne peut expliquer l'équilibre
entre le mécanisme d'élimination et la diversité de la population initiale.
À partir de cela, nous formulons le postulat que l'existence de
contraintes permettrait d'expliquer ce phénomène remarquable, en ne
laissant intervenir le hasard que localement (dans le temps).
Nous nous inspirons de l'exemple des lymphocytes T. L'idée principale
est que la détection d'une information perceptive (par le sous-système
subissant l'AP) n'est fiable que si l'apparition d'un tel événement est
rare
, dans
l'absolu, mais très fréquent en pratique. Cela signifie que si M et X
(se reporter au scéma 4) sont choisis au hasard, la
probabilité pour qu'une information perceptive soit détectée est très
faible. Dans une démarche classique, l'existence d'une sortie au
processus de catégorisation est assurée quel que soit le signal X,
mais sa nature et sa fiabilité restent incertaines. Au contraire,
nous établissons des contraintes sur la rareté de la détection
de l'information perceptive, de manière à ce que lorsqu'il y a
effectivement une détection, alors non seulement nous connaissons
parfaitement la nature de l'information perceptive (qui est un ensemble
d'hypothèses de M) mais, comme il y a peu de chance que cette détection
ait eu lieu par hasard, la détection exprime une quasi-certitude à
propos de la nature de ce qui a été détecté. Ainsi, l'esprit de notre
démarche consiste à pouvoir affirmer que lorsqu'une information perceptive
est détectée, alors elle peut être utilisée comme source d'information
fiable par l'AO, indépendamment des aléas du signal d'entrée X.
Mais, il faut bien comprendre que notre raisonnement s'écroule si la
détection d'une primitive peut avoir lieu en choisissant X au hasard
(il s'agit du déséquilibre évoqué plus haut, entre loi des grands nombres
et hasard): en effet, dans ce cas, la détection ne peut plus garantir la
validité de la nature de la primitive. Par conséquent, la validité
des informations provenant de notre système de catégorisation dépend de
la nature des ensembles M: ceux-ci doivent respecter des contraintes
visant à garantir la rareté, dans l'absolu, de la détection d'une primitive.
Une partie de notre travail va donc consister à spécifier ces contraintes
et à les formaliser, de manière à trouver des ensembles M adéquats. Imaginons
par exemple que M contienne l'intégralité des évolutions possibles du signal
sur h pas de temps: il s'agit du cas le plus flagrant d'un M ne respectant
pas cette ``rareté'' de découverte de primitive, puisque M contient toujours
l'évolution du signal qui va effectivement arriver en entrée du processus de
catégorisation.
En résumé, nous pensons que l'association perception/état (ou,
d'une manière équivalente, perception/information perceptive)
n'est possible que si les deux contraintes suivantes sont
respectées:
- en théorie (en considérant l'ensemble des perceptions
théoriquement possibles), le sous-système subissant l'AP détecte très
rarement une information perceptive
- en pratique (en considérant uniquement des perceptions
auxquelles le système aura à faire face dans l'application de robotique
mobile), le sous-système subissant l'AP détecte très fréquemment une
information perceptive
Ces contraintes sont regroupées en une seule, appelée
contrainte d'observabilité (CO).
À l'aide de (CO), on peut avoir la garantie que lorsqu'une
information perceptive est détectée, cela n'est pas dû au hasard
(du moins, en toute probabilité). Par contre, il manque le fait
d'avoir la certitude que si une informations perceptive est
détectée (associée à une catégorie perceptive), alors c'est la
bonne: on cherche une contrainte assurant que les catégories
soient séparées: nous la nommons contrainte d'unicité (CU).
La résultante de cette contrainte est qu'on va s'intéresser à
la certitude de bien catégoriser, plutôt qu'à la précision d'une
catégorie: cela va permettre de définir le nombre de catégories
discriminables en pratique, avec une quasi-certitude.
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2002-03-01