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Distinction entre apprentissage perceptif et apprentissage d'objectif



Hypothèse _s   L'acquisition de connaissances liées à un contexte perceptif précis nécessite au préalable une adaptation des facultés sensorielles mises en jeu dans le contexte du problème posé. Cette adaptation est rendue possible par l'expérience de toutes les situations perceptives liées à ce contexte.



Les capacités de perception se forment à partir de l'expérience, par apprentissage perceptif (AP). Nous savons par exemple que le bébé est quasiment aveugle à la naissance et que sa vue se développe au cours des premières semaines. Cela ne signifie pas que ses organes de perception ne sont pas formés, mais que sa structuration neuronale, qui donne la capacité à percevoir, n'est pas achevée. C'est l'interaction avec l'environnement qui va permettre cette structuration. Cela signifie, en outre, que le contexte joue un rôle prépondérant sur le développement de cette faculté. Les capacités de perception vont se construire autour de l'expérience répétée de certaines situations perceptives, et être moins influencées par des situations rares. Ainsi, les pygmées vivant dans des zones forestières très denses possèdent une mauvaise vue de loin (réduction de certaines aptitudes visuelles). Les esquimaux possèdent dans leur langage une dizaine de mots pour qualifier les nuances de blanc, ce qui signifie qu'ils sont eux-mêmes capables de distinguer ces nuances (focalisation des aptitudes visuelles autour d'une gamme très étroite de signaux perceptifs). On peut également restreindre expérimentalement l'étendue du contexte perceptif et en observer les conséquences: des animaux dont les yeux sont exposés continuellement à une seule couleur dès la naissance deviennent incapables de discerner les couleurs. Le résultat de l'expérience exposant continuellement une souris à des barres verticales aboutit, si elle est poursuivie assez longtemps, à une perte de la capacité de percevoir des barres horizontales. Dans le même ordre d'idées, si on interdit la possibilité d'apprentissage de la pince fine [*] à un enfant pendant trop longtemps, ce geste deviendra impossible à effectuer par l'adulte. Par conséquent, la diversité des expériences sensorielles permet de modeler les capacités liées à ce sens.
D'autre part, il faut noter que l'AP ne nécessite aucun objectif précis, mais simplement des capacités d'attention. Ainsi, l'apprentissage d'une langue étrangère met en oeuvre la construction d'une capacité d'écoute, propre à cette langue, permettant de déchiffrer la ``mélodie'' de celle-ci. Des expériences menées sur des nourrissons montrent qu'ils reconnaissent d'abord le timbre de la voix de leur mère, puis la mélodie de sa langue maternelle. La compréhension du langage vient après, ainsi que le parlé. Enfin, les mélomanes savent très bien que l'oreille ``s'éduque'' et qu'on peut ne ``comprendre'' une musique qu'après un certain nombre d'écoutes, sans qu'aucune faculté ``intellectuelle'' ne soit mise en jeu.
C'est pourquoi, dans le but d'être cohérent avec ces faits, nous distinguons deux niveaux d'apprentissage:
  1. l'apprentissage de haut niveau, que nous appelons ``apprentissage d'objectif'' ou AO.
    Celui-ci permet d'accumuler des connaissances dans le but de les manipuler. C'est l'apprentissage de l'écolier (leçon de mathématiques, récitation d'une poésie, etc.). Toutefois, ce mode d'apprentissage n'est pas réservé aux activités dites ``intellectuelles'': le danseur apprend une chorégraphie, l'acteur apprend un rôle (personnalité du personnage joué) ou le sportif apprend un nouveau geste technique de cette manière.
  2. l'apprentissage de bas niveau, que nous appelons ``apprentissage perceptif'' ou AP.
    Celui-ci est un préalable: il donne à une entité la capacité intrinsèque d'apprendre, d'exécuter ou de manipuler consciemment certains objets. Ainsi, le processus de vision englobe les capacités à distinguer des objets, à reconnaître un visage, à discerner des couleurs, à rendre une scène cohérente alors qu'on n'en voit qu'une infime partie à un instant donné. De même, l'audition comprend les facultés à reconnaître la mélodie d'une langue, à se focaliser sur un interlocuteur alors que plusieurs personnes parlent en même temps, à reconnaître une voix familière.
Ce qui distingue les deux niveaux d'apprentissage est que l'un est volontaire, conscient (acquisition de connaissances) et guidé par l'objectif, alors que l'autre est involontaire et inconscient (acquisition de la faculté de percevoir). C'est aussi, comme nous le verrons dans le paragraphe 1.3.1, la relation de dépendance qui existe entre les deux: l'acquisition de connaissances n'est possible que lorsque la faculté de perception est assez développée. Essayez de répéter précisément une phrase prononcée dans une langue dont la mélodie vous est étrangère: c'est impossible, car vous n'avez pas pu mémoriser ce qui est dit.
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2002-03-01