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Le rôle de l'AP est de donner naissance à la capacité de
produire de l'information perceptive à partir d'un ensemble
de signaux. Mais cette capacité va plus loin que l'utilisation des
cinq sens. Ainsi, un bon joueur d'échecs ``verra'' l'échiquier d'une
autre façon qu'un débutant. Le problème de ce dernier (et ce n'est pas
difficile de l'expérimenter soi-même) est qu'il ne voit rien justement:
la disposition des pièces n'a pas de sens pour lui. Dans ce cas, il est
étonnant de constater que le débutant va procéder un peu comme un
ordinateur, par essai mental de tous les coups possibles ou d'un éventail
de coups pris un peu au hasard. Par contre, contrairement à l'ordinateur,
l'homme ne possède qu'une très petite ``puissance de calcul'', d'où des
résultats modestes lorsqu'on ne possède pas une certaine perception du jeu.
Par contre, le très bon joueur va écarter d'emblée une très grande majorité
des coups possibles en ne gardant que ceux qui sont intéressants: il possède
une grande capacité à filtrer l'information, c'est-à-dire à aller chercher
l'information pertinente.
Cependant, l'information perceptive possède une caractéristique
qui lui est propre: il est impossible d'expliquer (sans rentrer
dans des considérations biologiques d'étude des organes impliqués)
la manière dont on perçoit, et encore moins le cheminement qui
nous a permis d'établir notre faculté de perception: essayez
d'expliquer à un aveugle ce qu'est une couleur sans utiliser un
vocable visuel. Cela ne signifie pas que celui-ci est incapable de
percevoir, d'une autre façon, ce genre de phénomène. Mais cette
faculté, qui est liée à une intime conviction, est difficilement
communicable ou enseignable.
Nous nous trouvons donc face à un paradoxe: l'AP crée une
source d'informations qui s'imposent à nous comme étant évidentes
mais nous sommes incapables d'expliquer la nature de cette
information ni, par conséquent, de la transmettre à autrui. Au
contraire, lorsque cette source d'informations n'existe pas, nous
n'avons aucune possibilité pour l'appréhender et la comprendre
(autrement que par le biais d'une étude scientifique du
phénomène). L'AP est si intime qu'il s'établit une frontière à la
fois entre l'avant et l'après apprentissage (on ne peut très
rapidement plus s'imaginer comment on voyait le problème avant)
et, parallèlement, entre celui qui a appris et celui qui n'a pas
appris. L'existence de cette barrière est décrite très
concrètement dans l'essai intitulé Flatland
[Abott, 1952].
Toute personne ayant tenté d'apprendre un sport a fait l'expérience
de ce paradoxe: il ne suffit pas de répéter inlassablement un geste
ou un ensemble de gestes pour qu'ils soient mémorisés et reproduits
parfaitement le moment voulu; cela appartient au domaine de
l'acquisition de connaissances. Les bases nécessaires se trouvent
dans la sensation (indescriptible) que le geste effectué est
correct ou non. Celle-ci sert de repère à l'auto-évaluation du
niveau de performance auquel on est arrivé, ce qui permet une
progression. Elle passe par la possibilité de créer une représentation
mentale précise du geste à effectuer. Sans l'aide de ce repère, les
mêmes erreurs sont commises régulièrement, sans pouvoir vraiment les
corriger. Pour un sportif de haut niveau, il semble que la faculté
de représentation mentale du geste idoine (incluant la mobilisation
des parties du corps concernées) est très développée; cependant, le
stress lié à l'importance de l'événement sportif peut réduire
l'acuité de cette perception.
Mais, ce paradoxe existe aussi dans l'apprentissage de connaissances
plus scolaires, et apparemment abstraites: le fait de ne rien
comprendre se traduit par l'absence de création d'images mentales
chez l'étudiant, ce qui signifie que le discours ne lui parle pas.
La faculté d'abstraction n'est pas la possibilité de manipuler des
symboles non signifiants: c'est au contraire la faculté à donner un
sens à ces objets, pour pouvoir ensuite les utiliser.
Avant tout, le paradoxe de l'évidence pose le problème de
l'apprentissage de la faculté de percevoir: celle-ci n'est pas
transmissible dans une relation maître/élève et est assimilée
d'une manière non volontaire. En particulier, nous pensons que la
réussite du processus d'imitation, qui met en jeu un objectif
précis, nécessite au préalable un très bon fonctionnement des
facultés de perception nécessaires à l'atteinte de l'objectif
. Par conséquent, la faculté d'imitation est
hiérarchiquement dépendante des capacités perceptives, qui sont
soumises au paradoxe de l'évidence: la cause de l'échec d'un
apprentissage d'objectif est, à notre avis, autant liée à un
manque du processus de perception qu'à une mauvaise utilisation de
ce processus pour atteindre l'objectif.
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2002-03-01