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Introduction à la notion d'événement rare

Il existe un fossé entre la démarche de l'automaticien et celle que l'informaticien emploie lorsqu'il teste un algorithme d'apprentissage. Le premier souhaite obtenir une preuve mathématique de la stabilité du système qu'il étudie (en exhibant une fonction de Lyapounov). Or, il est connu que, dans le cas général, il est extrêmement rare de pouvoir construire une fonction de Lyapounov. La solution consiste donc à contraindre le problème suffisamment pour trouver une telle fonction et ainsi prouver la stabilité du système. Mais, cette démarche engendre des situations tellement contraintes qu'elles ne sont pas compatibles avec des problèmes complexes (pour lesquels l'environnement est non modélisable, par exemple). Le développement d'algorithmes d'apprentissage est intéressant lorsque le problème abordé ne peut être résolu d'une manière ``conventionnelle''. Néanmoins, il ne s'agit pas d'une panacée puisque ces algorithmes aboutissent à des résultats qui ne sont plus associés aux notions de fiabilité et de prédictibilité. Il existe donc un fossé entre les deux catégories de démarche. Ce fossé est celui qui sépare une démarche qui aboutit à une preuve, d'une démarche plus empirique. Mais, ce fossé ne constitue pas une frontière entre une démarche qui aboutit à des résultats opérationnels et une démarche ne donnant pas de bons résultats: nous avons souligné dans la section précédente que les techniques d'apprentissage sont également opérationnelles dans de nombreux cas. Un exemple relativement récent de ce fossé est celui de la logique floue. Les premières applications fonctionnelles à des problèmes de commande datent d'il y a une trentaine d'années. Cette technique a, depuis, montré son efficacité, mais des preuves de stabilité n'ont pu être établies dans des cas particuliers que récemment ([Wang et al., 1996], [Tanaka, 1995]).
Nous savons donc que la démarche de preuve de l'automaticien l'oblige à restreindre fortement l'étendue des problèmes pouvant être résolus. Dans ce cadre, lorsqu'on parle de preuve, il s'agit de montrer que le système reste toujours stable: cela signifie qu'aucune exception n'est tolérée. Donc, si on parle de l'instabilité en terme d'événement fâcheux, la preuve montre que la probabilité pour que cet événement survienne est nulle, en théorie. Voici alors notre remarque à ce sujet: Nous n'avons, en pratique, pas besoin que cette probabilité soit nulle, mais soit suffisamment faible pour que l'occurrence d'un événement fâcheux soit rare. Pour comprendre notre notion de ``rareté'', il faut se rappeler la différence entre les deux significations de la probabilité (voir Carnap, par exemple [Carnap, 1950]). Il existe une probabilité a posteriori, qui est déterminée par le rapport entre le comptage du nombre d'occurrences d'un événement sur le nombre total d'occurrences: il s'agit d'une statistique, effectuée en utilisant l'expérience réelle. Mais, il existe également une probabilité a priori, dite objective, qui est une propriété à part entière d'un événement, qu'on peut déterminer par le calcul sans faire appel à l'expérience réelle. La physique donne de nombreux exemples prouvant qu'il existe en pratique une différence entre les deux notions de probabilité. Prenons-en un, qui permettra d'imager ce que nous appelons ``rareté''. Considérons une pièce rectangulaire étanche, remplie d'air. On peut dire que chaque molécule de gaz contenue dans cette pièce est identifiable à une ``bille'' qui se déplace librement avec une trajectoire rectiligne uniforme, jusqu'à ce qu'elle percute une autre bille, provoquant un changement de direction de la trajectoire. Cette modélisation est suffisamment réaliste pour permettre de déterminer statistiquement certaines propriétés macroscopiques des gaz (loi des gaz parfaits, par exemple). Mais, elle permet également d'envisager certains événements qui nous semblent impossibles priori. En voici un: l'ensemble des molécules de gaz se trouvent dans la même moitié de la pièce pendant une durée déterminée. Cet événement serait, bien évidemment, particulièrement fâcheux, du moins si une personne se trouvait à ce moment dans la partie vide de gaz. La probabilité objective de celui-ci se calcule et est non nulle. Cependant, la probabilité statistique de celui-ci est nulle: on n'a jamais rapporté l'occurrence d'un tel événement. Bien entendu, si on attendait un temps infini, celui-ci se produirait. Mais, dans une durée d'expérience rapportée à l'échelle ``humaine'', cet événement ne se produit pas. Voilà comment nous définissons notre notion de ``rareté''. Il existe pourtant une différence théorique majeure entre un événement impossible et un événement rare: on ne pourra jamais prouver que ce dernier est impossible. Cependant, il n'existera aucune différence en réalité: aucun de ces deux événements ne se produira, du moins sur une durée d'expérience finie et ``raisonnable'' [*].
Notre idée est donc de centrer nos efforts de formalisation autour de la maîtrise de la probabilité d'occurrence d'événements fâcheux. En autorisant une probabilité d'erreur non nulle, nous espérons pouvoir restreindre les contraintes dont il faudrait se munir pour établir des preuves [*].
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2002-03-01